Homélie du 5ème dimanche du Carême
Abbé Jean Compazieu | 9 mars 2013Pour une Carême libérateur
Textes bibliques du 17 mars : Lire
Les lectures bibliques qui nous sont proposées en ce dimanche sont une nouvelle clé qui nous aide à mieux entrer dans l’esprit du Carême. Trop souvent, nous utilisons celle qui nous ouvre vers des solutions de facilité. Les textes de ce dimanche voudraient nous aider à vivre un carême libérateur, entièrement orienté vers l’avenir.
C’est ce qui apparaît dans le texte d’Isaïe (1ère lecture). Pour les hébreux, les traces du passé tiennent une place importante. Ils avaient à cœur de faire mémoire des merveilles de Dieu. Il y avait eu la libération d’Egypte, la traversée de la Mer Rouge et toutes les années d’Exode dans le désert. Aujourd’hui, nous voyons Isaïe s’adresser de nouveau à un peuple de nouveau en exil à Babylone. Le prophète lui annonce le retour vers la Terre promise. Dieu n’est pas seulement créateur. Il est libérateur et sauveur. Son salut est offert à tous, ici et maintenant. Il ne suffit pas de faire mémoire de ses merveilles d’autrefois. La bonne nouvelle c’est que Dieu n’a jamais cessé d’aimer son peuple. Il est toujours là pour nous sauver.
C’est très important pour nous aujourd’hui. Nous avons souvent trop tendance à idéaliser “le bon vieux temps” où tout était merveilleux. Et aujourd’hui, beaucoup de chrétiens se désespèrent car ils sentent bien que tout part à la dérive. Mais il y a une chose qu’il ne faut jamais oublier : Notre Dieu n’a pas changé. Il reste celui qui veut sauver le monde. Il est capable de faire fleurir tous les déserts, ceux de nos familles, ceux de nos milieux de vie et ceux de notre monde. La fête de Pâques n’est pas seulement celle de notre libération passée. C’est aussi celle de notre propre délivrance par un Dieu qui sauve et pardonne.
C’est ce Christ sauveur et libérateur qui est intervenu dans la vie de Paul (2ème lecture). Lui qui était un fidèle observateur de la loi nous rapporte qu’il a été libéré d’un péché plus caché et plus profond : c’est le péché de celui qui se croit parfait et irréprochable, le péché de celui qui se laisse aller à l’orgueil. Paul pensait posséder la justice qui vient de la loi. Il était un pharisien très généreux. Il ne pensait pas devoir être libéré d’un péché car il s’en estimait immunisé. Mais quand il a rencontré le Seigneur, il a compris que cette justice selon la loi n’est pas la vraie justice selon Dieu. Paul doit comprendre qu’il a besoin d’être libéré de son orgueil. Il lui faut accepter d’avoir besoin d’être sauvé.
De plus, Paul pensait faire une bonne œuvre en persécutant les chrétiens. Il comprend désormais que c’était injuste et criminel. A partir du moment où il a rencontré le Christ, toute sa vie a été complètement bouleversée. Mais il a désormais compris que sa relation avec lui est une relation qui libère. En dehors de lui, ce qui semble essentiel n’est que “balayure”. Il nous fait comprendre à tous que le bonheur de connaître le Christ est un bien qui surpasse tous ceux que le monde prétend nous procurer. L’apôtre nous montre le but de notre vie, le monde de Dieu où nous sommes tous appelés à rejoindre le Christ.
Dans l’Evangile, nous voyons Jésus qui est sollicité d’être un nouveau Moïse. Les scribes et les pharisiens ont trouvé une femme surprise en flagrant délit d’adultère. Ils cherchent donc à la faire mourir. S’adressant à Jésus, ils lui disent : “… Moïse nous a ordonné de lapider ces femmes-là. Et toi, qu’en dis-tu ?” Après un temps de silence, il leur répond : “Que celui qui est sans péché lui jette la première pierre.” L’évangile nous dit que Jésus dessinait sur le sol. Certains ont dit qu’il écrivait les nouvelles tables de la loi sur laquelle il n’y avait qu’un seul commandement : “tu aimeras. Ils se sont tous retirés en commençant par les plus âgés. Il n’y avait plus qu’eux deux, dit Saint Augustin, la misère et la miséricorde.”
Cet évangile nous révèle donc un Dieu qui fait miséricorde. Et en même temps, il révèle leur péché à ceux qui se disent purs et honnêtes. Nous découvrons la tendresse bouleversante pour les pécheurs que nous sommes. Au cours de ce Carême, sommes-nous disposés à nous laisser aimer et pardonner par lui ? Accepterons-nous de ne plus jeter la pierre accusatrice sur nos frères pécheurs. Si nous voulons que ce carême soit vraiment libérateur, il n’y a qu’un seul commandement : aimer comme Jésus aime.
En ce dimanche nous le supplions : “Donne-nous, Seigneur, un cœur nouveau. Ouvre nos cœurs à ton Esprit toujours nouveau.”
Sources : Revue Signes, Dimanche en Paroisse, Homélies pour une année C (A Brunot), lectures bibliques des dimanches (A. Vanhoye), Missel communautaire (A Rebré)
Un lecteur m’a envoyé le message suivant :
“Je serai peut-être en accord avec votre homélie de ce 17 mars, si je pouvais saisir ce que veut dire concrétement pour aujourd\’hui carême \”libérateur\” et le verbe sauver
libérer de quoi ? péché … c\’est quoi
sauver de quoi ???”
Je n’ai pas de réponse toute faite. Mais il me semble que durant ce carême, nous pouvons prendre conscience de tout ce qui nous enferme, de tout ce qui nous empêche d’aller vers Dieu et vers les autres. Le péché c’est précisément cette fermeture à Dieu et aux autres. Dieu nous a aimés d’un amour inimaginable ; en réponse à cet amour, nous organisons notre vie sans lui. Nous vivons dans l’indifférence. Ce qui commande, c’est l’argent, les intérêts personnels immédiats… Tout cela entraîne une escalade des propos agressifs, de la violence, des conflits et des guerres… La rancune entre voisins et à l’intérieur des familles n’est pas une solution.
Tout au long de ce carême, nous entendons des textes bibliques qui, de différentes manières, nous invitent à revenir vers le Seigneur. Lui seul peut nous libérer de tout ce qui entraîne notre perte. C’est avec lui que notre carême pourra être libérateur.
Si d’autres souhaitent réagir, le débat est ouvert…